Prédication du culte régional de la Réformation

 

Eglise saint-Jean NBCette année, notre paroisse avait la chance d’accueillir dans son église le culte régional de la Réformation le 31 octobre dernier.

Nous vous proposons sur ce site la transcription de la prédication donnée à cette occasion par le Pasteur Denis Heller, de l’Eglise Protestante Unie de  Paris-Annonciation.

 

 

Jean 8 versets 31 à 36
« 31 Jésus donc dit à ces Juifs qui avaient cru en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, 32 vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres. » 33 Ils lui répliquèrent : « Nous sommes la descendance d’Abraham et jamais personne ne nous a réduits en esclavage : comment peux-tu prétendre que nous allons devenir des hommes libres ? » 34 Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui commet le péché est esclave du péché. 35 L’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure pour toujours. 36 Dès lors, si c’est le Fils qui vous affranchit, vous serez réellement des hommes libres ».

Chers amis,

A vrai dire, pourquoi sommes-nous là, rassemblés en ce lieu, un vendredi soir ? Serait-ce pour « faire shabbat » après le coucher du soleil comme nos frères aînés juifs ? Serions-nous tous devenus adventistes pour nous retrouver au moment du sabbat ? Ou serions-nous, une nouvelle dissidence protestante, une de plus !? qui plutôt que de retenir pour ses célébrations, le dimanche, jour de la résurrection, opterait pour le vendredi, jour de la crucifixion ?

Non, ce n’est pas tant le jour du vendredi qui fait sens, mais plutôt la date du 31 octobre. En effet, comme vous le savez, à la même date, en 1517, Martin Luther affiche à Wittenberg 95 thèses ou affirmations argumentées, relatives aux indulgences. Rétrospectivement, on verra  dans ce geste l’acte de la naissance de la Réforme protestante. Il semblerait, et je dis cela avec prudence, que la fête de la Réformation remonte à 1617, date où le prince Électeur du Palatinat, calviniste d’ailleurs, imagine une célébration à l’occasion du centenaire de l’affichage, devenu déjà emblématique. Auparavant, des initiatives de dates anniversaires  s’étaient déjà faites jour, autour de la naissance, voire de la mort de Martin Luther. Il est heureux qu’en final ce soit la date du 31 octobre qui ait été retenue.

Car, faut il encore le répéter ici ? A travers le culte dit de la Réformation, nous ne sacralisons pas un homme, nous ne sanctifions pas une période de l’histoire, nous ne magnifions pas une identité confessionnelle et nous ne voulons pas réveiller la période heureusement dépassée  des guerres de religion.

Non, nous célébrons le Christ ! Nous rendons gloire à Dieu, Père, Fils et Esprit. Nous cherchons à vivre de l’Évangile, nous cherchons à être fidèles à son message de vie. Tout à la fois, nous nous laissons saisir par le Christ et nous le cherchons. C’est Lui, ce soir, qui nous convoque, nous rassemble et nous anime en même temps que nous allons à Lui avec nos quêtes et nos soifs.

Revenir ensemble à la source ; boire ensemble à la source pour être tout à la fois des mendiants bénéficiaires et des témoins protestataires. Puiser à cet Évangile qui nous fait vivre et en partager l’infinie richesse. Se laisser saisir par le Christ tout en devenant ses témoins. C’est ce double mouvement, vécu par Luther et par tant d’autres avant et après lui, que nous souhaitons vivre aussi.

Fête de la Réformation, fête de l’Evangile remis en lumière par Luther et d’autres Réformateurs ! Fête de l’Évangile de Jésus-Christ, à remettre en lumière à notre tour, à notre manière  dans le contexte qui est le nôtre.

Il est vrai que plusieurs événements à venir seront de belles opportunités pour nous mobiliser à nouveau, frais dans cette action, cette mission. En 2017, aura lieu le 500éme anniversaire de la Réforme. Instances ecclésiales confessionnelles, interconfessionnelles, nationales, européennes, mondiales mettent en place, chacune à leur niveau, des événements, des programmes à venir.

Le processus de notre Église Protestante Unie, rassemblant luthériens et réformés, intitulé « 2017… nos thèses pour l’Évangile » nous invite d’ici 2017 à entrer dans une démarche de réflexions et d’animation pour approfondir nos convictions et pour ensuite les afficher. C’est dans cet élan que se situe notre premier culte régional de la Réformation de notre Église Unie.

Alors pour éclairer notre marche, notre démarche de partage de l’Évangile jusqu’en 2017, à la lumière d’un texte lui-même de partage de l’Évangile, celui de Jean lu tout à l’heure,  trois remarques : l’une en forme d’interrogation, la seconde en forme de mise en garde, la troisième en forme de conviction joyeuse.

Première remarque, en forme d’interrogation

En effet, dans ce bref passage de l’Évangile de Jean, Jésus partage l’Évangile et dialogue avec des Juifs qui ont cru en lui.  Mais comme très souvent dans les dialogues de Jésus avec ses interlocuteurs relatés chez Jean, on assiste à un dialogue de sourds. On ne se comprend pas. Rappelez vous la rencontre de Jésus avec Nicodème : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ?  Rappelez vous la rencontre de Jésus et de la Samaritaine : Seigneur, tu n’as rien pour puiser et le puits est profond, d’où aurais-tu donc cette eau vive ? Jésus est-il l’homme des quiproquos, des malentendus, des impairs ?

Ici, entre lui et les Juifs qui pourtant l’ont suivi, l’incompréhension est totale. Les mots de liberté de servitude, de vérité sont compris par les juifs dans un tout autre sens que ceux que Jésus veut leur donner. Paroles énigmatiques, intrigantes, qui dérangent, décalent ses interlocuteurs. Cette situation qui n’est pas unique dans les rencontres de Jésus a été appelée par les Biblistes « le malentendu johannique ». Malentendu qui prête alors à questions, parfois à confusion, relance l’échange, appelle à précision, suscite approfondissement, tient les interlocuteurs, les lecteurs aussi en haleine !

Alors je m’interroge. Dans le partage de l’Évangile avec nos contemporains qui nous est proposé au travers du processus « 2017 … nos thèses pour l’Évangile », allons-nous être par nos paroles, des témoins du quiproquos, du malentendu, de l’énigme ? Allons-nous entretenir l’incompréhension, la confusion, nous lancer dans un dialogue de sourds ?

Oui, interrogation, car à la fois l’Évangile est paradoxal, en contradiction avec ce monde. Il ne peut pas être appréhendé de manière directe et immédiate. Parler d’un crucifié, témoigner d’une faiblesse qui est puissance d’amour, évoquer la réalité d’un Dieu qu’on ne peut pas circonscrire dans nos mots, rendre compte d’un au-delà, d’un au-delà de la mort, d’un au-delà de du mal et de l’échec resteront à vue humaine, dans une logique humaine, toujours énigmatiques, seront toujours sujets à quiproquos et malentendus. Et vouloir effacer ce côté paradoxal, insaisissable, troublant de l’Évangile qui toujours nous échappe mais nous est donné, risque de nous conduire à faire de la foi chrétienne une idéologie humaine,lisse, sans relief, ni vide .

Oui , interrogation car à la fois nous sommes appelés à rendre compte d’un Évangile qui rejoint l’être humain dans son vécu, ses questionnements. Ne soyons pas dans l’annonce de l’Évangile, de ces convaincus qui répondent à des questions que personne ne se pose ! Faisons-nous comprendre ! Faisons-nous entendre ! Kézako ? De quoi parle-t-on au juste ?

Je suis toujours sidéré, dans mes discussions avec mes contemporains, de voir à quelles images sont associés les mots de Dieu, de vie éternelle, de salut. L’Évangile ne nous transporte pas dans un autre monde ! C’est de la vie humaine qu’il s’agit, du sens de l’existence. C’est bien du rapport à nous-même, aux autres et à l’ultime dont il est question !

Oui, interrogation. Faut-il dans notre partage de l’Évangile, dans le fond comme dans la forme, susciter l’énigme ou le malentendu pour provoquer le dialogue ? En tous les cas, dans la société de l’interactivité et de l’échange comme la nôtre, l’affichage seul ne suffira pas ! Il devra être précédé, accompagné, suivi, de rencontres, de dialogues pour un vrai partage de l’Évangile.

Deuxième remarque pour une brève mise en garde

Dans ce dialogue entre Jésus et les juifs qui est annonce de l’Évangile, les juifs se reposent sur leurs lauriers. La vérité que Jésus souhaite leur faire découvrir, eux, prétendent la connaître déjà : elle est dans la Thora. La liberté à laquelle Jésus souhaite les ouvrir, ils la connaissent déjà ; c’est celle procurée par la libération d’Égypte et la réception des tables de la Loi. Vérité et liberté leur appartiennent à cause de la filiation abrahamique. Celles dont parle Jésus, ils n’en ont pas besoin puisqu’elles font partie de leur héritage, de leur bagage historique reçu par leurs ancêtres et leur descendance.

Le risque est grand pour nous, enfants de la Réforme, de nous considérer comme possesseurs de cette vérité et liberté de l’Évangile. Cela est déjà dans nos gênes ! Cela nous appartient ! Cela est notre héritage à cause de nos descendants, à cause de notre lignée confessionnelle ! L’Évangile dont nous voudrions être témoins est notre propriété, à cause de notre histoire, à cause de la Réformation !

Bien piètre attitude, comparable à celle des Juifs de l’époque de Jésus. Ils se reposent sur une identité religieuse, sur une identité héritée de l’histoire et passe à côté de l’essentiel.

A côté de la vérité et de la liberté de l’Évangile données en Christ, données hic et nunc, ici et maintenant, d’un Évangile toujours et encore à recevoir et accueillir dans la foi. Un Christ à rencontrer qui nous bouleverse, nous retourne, nous convertit, nous transforme,nous renouvelle, nous donne une identité de fils et filles de Dieu, de frères et sœurs du Christ, d’enfants de Dieu.

Une identité vivante en Christ dans la foi qui n’a rien à voir avec une identité confessionnelle historique, poussiéreuse, souvent fossilisée.

Oui, mise en garde pour d’abord vivre de cet Évangile, puis en témoigner avec tous ceux qui se reconnaissent frères et sœurs en Christ.

Troisième remarque, en forme de conviction joyeuse

Jésus, dans cet échange avec les Juifs témoigne d’un Évangile libérateur : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres. (…) dés lors si c’est le fils qui vous affranchit, vous serez réellement des hommes libres ».

L’Évangile rime profondément avec liberté mais de quelle liberté s’agit-il ?
Jésus, au travers de ce passage de l’Évangile, le dit clairement.

Il s’agit d’une liberté par rapport au péché, péché au singulier, notons le bien ! C’est-à-dire par rapport à cette prétention de l’être humain à se passer de Dieu, à justifier sa vie par lui-même, autrement-dit par rapport à cette volonté d’être à lui-même sa propre origine et sa propre finalité, d’être son propre dieu. Une auto-justification par soi-même, par ses œuvres, par ses performances pour prouver que cette vie, il la mérite ! Il en est digne. Une auto-justification permanente pour montrer à nous-même et aux autres que nous sommes à la hauteur, à la hauteur des exigences, des contraintes, des modes, pour être reconnu comme comme quelqu’un de bien, quelqu’un de valeur !

Auto-justification épuisante, harassante, fatigante, qui fait plier sous le poids du « qu’en-dira-t-on », du regard des autres, des apparences, des exigences, du toujours plus et qui ne peut faire place au Christ, à sa parole de grâce, à son amour. Course sans fin à la performance, à l’exploit, à l’excellence, à la réussite sans droit à l’erreur, qui laisse au bord de la route des épuisés, des fatigués et qui fait du prochain un concurrent, un ennemi en puissance dans la course au succès et à l’exploit.

Au contraire, l’Évangile libérateur en Christ nous fait vivre la justification par grâce au moyen de la foi : « Cette reconnaissance par toi -même et par les autres pour laquelle tu cours sans fin à en perdre haleine et ta vie, elle t’est donnée gratuitement par pure grâce ; tu n’as rien à prouver ; tu n’as rien à mériter. Tu es reconnu comme enfant d’un Père de miséricorde. Tu es reconnu comme fis et filles de Dieu. Tu es reconnu, accueilli comme un être unique à tout jamais, pardonné, digne de vivre, digne d’être aimé et d’aimer. Accueille cette grâce, cette parole, cet amour dans la foi, dans la confiance.  Et vis maintenant libre, libre de cette auto-justification qui t’emprisonne, t’enferme sur toi-même et te coupe des autres, libre du regard des autres, libre en Christ pour aimer et servir. Libre pour agir en dehors de toute chapelle et de tout parti ; l’esprit libre pour rechercher la justice et la paix. Libre pour vivre avec un cœur ouvert. Tu es aimé non pour ce que tu fais mais pour ce que tu es. »

Interrogation, mise en garde , oui, conviction joyeuse :

« En Christ , nous sommes justifiés par grâce au moyen de la foi »
Culte Régional de la Réformation,
Eglise Protestante Unie -Luthériens et réformés de la Région Parisienne

Le vendredi 31 octobre 2014, Eglise luthérienne Saint-Jean
Pasteur Denis Heller Eglise Protestante Unie de  Paris-Annonciation