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Prédication du pasteur Daniel Bouyssou pour le dimanche des Rameaux
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Aujourd’hui c’est jour de fête. Fête parce que nous célébrons en ce dimanche 25 mars « les Rameaux », jour de joie et d’allégresse. C’est la dernière fête sur le chemin qui nous conduit vers la croix du vendredi saint, mais aussi vers la lumière de Pâques et de la résurrection.
Pour essayer de vivre pleinement ensemble cette fête des Rameaux, je vous invite maintenant à fermer les yeux et à vous projeter quelque 2000 ans en arrière, à Jérusalem. La ville est en effervescence. Elle va bientôt célébrer la fête de Pessah, la Pâque, qui commémore la libération du peuple juif et sa sortie d’Égypte. Pour cette grande fête, tous les juifs du pays sont invités à monter à Jérusalem. Pessah est en effet une fête de pèlerinage que chacun se doit de célébrer là où l’Éternel, le Dieu très haut a sa demeure, le temple de Jérusalem.
Mais ce jour-là, la fête prend une dimension exceptionnelle. Depuis des années, les juifs ne sont plus vraiment chez eux. Des romains, des païens, occupent le pays. Le peuple chéri de Dieu, le peuple élu, se trouve devoir subir la tutelle d’un pays étranger, d’un peuple polythéiste. Un peuple païen.
Dans un pays où le religieux, le politique, le social, la vie quotidienne sont rythmés par la loi donnée par l’Éternel à son peuple, c’est insupportable.
Alors, les juifs ont réfléchi ; ils ont scruté leurs écritures saintes pour y déceler des signes d’espérance. Et ils en ont trouvé de ces signes : un Messie allait venir, ce Messie serait un Messie royal, descendant de David, le père de Salomon, celui-là même qui a construit le 1er temple de Jérusalem aux environs du 10e siècle avant notre ère.
Ce Messie royal allait redonner au peuple juif et au pays leur dignité. Ce Messie royal allait reprendre le pouvoir aux romains, chasser ces païens incirconcis de leur terre. Un roi juif pourrait à nouveau régner sur ce peuple élu par le Très-Haut. C’est un rêve magnifique, exaltant, c’est un projet divin qui mobilise toutes les énergies comme on dirait aujourd’hui.
Mais ce Messie, l’a-t-on trouvé ? l’a-t-on identifié ? Oui disent certains. Quelqu’un depuis quelque temps semble bien répondre en tous points au portrait-robot du Messie annoncé. Un certain Jésus (Yeshoua en hébreu, c’est-à-dire Dieu Sauve). Il est de la lignée de David, il est né à Bethléem, là où justement le prophète Samuel serait venu chercher le jeune berger David, fils de Jessé pour lui donner l’onction royale. Le prophète Michée pour sa part a annoncé que le Messie naîtrait à Bethléem.
De plus, ce Jésus, ce Ieshoua, est un prédicateur extraordinaire. Bien plus encore, un thaumaturge, un guérisseur. Grâce à lui, conformément à ce qu’ont annoncé les prophètes, les aveugles voient, les sourds entendent, les morts ressuscitent. Pas de doute, ce Jésus est notre homme pensent beaucoup de juifs.
Cependant, cependant c’est vrai, il y a quand même quelques problèmes.
Ce Jésus en prend à son aise avec certains commandements ; il ne semble pas porter une grande admiration ni aux pharisiens, ni aux docteurs de la loi auxquels il reproche de lire cette loi selon la lettre en en oubliant totalement l’esprit. Il ose dire que le Sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le Sabbat, ce qui peut constituer un véritable blasphème pour les juifs les plus pieux.
De plus, ce Jésus a des fréquentations bizarres. Des femmes, nombreuses, le suivent, ça ne se fait pas trop… Il boit et mange avec des collecteurs d’impôts, ces infâmes collabos qui travaillent pour les romains en étranglant financièrement leurs coreligionnaires. Il parle aux prostituées, semble se soucier comme d’une guigne des ablutions rituelles !
Mais bon, un Messie ça a peut-être le droit d’être un peu bizarre…
D’ailleurs ce jour-là, à Jérusalem, le doute n’est plus possible. Jésus arrive dans la ville sur un ânon, le petit d’une ânesse. Or, les juifs bien sûr connaissent tous par cœur cette prophétie de Zacharie que nous avons nous aussi entendu il y a quelques instants : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion, pousse des acclamations fille de Jérusalem, voici que ton Roi s’avance vers toi. Il est juste et victorieux. Humble, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse ». Ce texte éclaire bien sûr le sens du passage de l’Évangile de Marc que nous avons lu tout à l’heure.
C’est justement comme cela que Jésus arrive à Jérusalem. Sur un âne, le petit d’une ânesse. Mettez-vous à la place des Juifs de l’époque. Ce Jésus connu pour avoir fait des miracles, pour avoir guéri des lépreux, des aveugles, des boiteux, le voilà qui entre dans la ville de la manière prévue bien des années avant par le prophète Zacharie. Donc, pour ce peuple, pas d’hésitation possible. Cet homme qui entre dans Jérusalem monté sur un ânon, le petit d’une ânesse, ne peut être que le Roi attendu, le Sauveur du peuple, le Messie annoncé par les plus grands prophètes.
On comprend alors pourquoi tout le peuple est là pour l’accueillir en criant d’une seule voix : Hosanna, Hosanna.
Oui, « Hosanna » c’est un cri de joie, d’allégresse. Un peu l’équivalent d’un « hourra » ou d’une acclamation de bienvenue.
Mais c’est surtout un cri d’espérance qu’on pourrait traduire par « Viens à l’aide ! Sauve-nous ». Ils brandissent des palmes, de grandes branches chargées de longues feuilles vertes que l’on trouve sur les palmiers. Ces palmes, voyez-vous, ne sont pas là par hasard : elles sont aussi un symbole de libération. Encore aujourd’hui nos frères juifs ont une fête, la fête de Soukkot, c’est-à-dire en français la fête des « cabanes » ou la fête des « tentes ». Pour Soukkot, les juifs pieux se construisent une cabane avec du feuillage sur leur balcon ou même dans un petit coin de leur appartement, et ils vivent pendant quelques jours dans cette cabane ; ils y mangent, en mémoire des 40 ans que leurs ancêtres passèrent dans le désert. Ces 40 ans ont été un temps d’épreuve bien sûr, mais aussi un temps de libération, puisque grâce à l’action de Dieu qui avait inspiré son prophète Moïse, ils avaient quitté l’Égypte et leur état d’esclaves ; un temps d’espérance aussi puisque, malgré leur errance et leur pérégrination, ils marchaient en peuple libre vers la Terre promise de Canaan.
Mais c’est là que se trouve l’immense, le gigantesque malentendu qu’on pourrait résumer par le titre d’un film de Maurice Pialat sorti en 1974 : « On s’est trompé d’histoire d’amour ».
Oui, Jésus va décevoir beaucoup de gens du peuple parce qu’il ne prêche pas la guerre, même pas une guerre de libération qui, d’un certain côté, aurait été légitime. Il ne soutient pas les zélotes, ces rebelles qui avaient décidé de libérer leur pays en organisant une véritable guérilla contre les romains.
Non, Jésus n’était pas ce roi rude, fier et combattant ; c’était un roi paisible qui disait « mon royaume n’est pas de ce monde ».
Un roi qui disait « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
Un roi qui disait « aimez même vos ennemis », même les romains, même les païens…
Un roi qui, comble du scandale pour les juifs, va mourir sur une croix, supplice romain réservé aux brigands, aux criminels, aux assassins.
Eh bien voyez-vous chers amis, c’est ce roi, ce même roi, que nous sommes aujourd’hui invités à accueillir dans notre cœur et dans nos vies. Ce n’est pas un roi qui nous écraserait sous son pouvoir ou sous sa puissance. Ce n’est pas un tyran. C’est un roi qui nous dit dans sa tendresse les mêmes choses qu’il y a quelque 2000 ans (si toutefois nous voulons bien l’entendre). Il vient nous dire que la vie, que l’espérance sont plus fortes que la mort, plus fortes que le mal, plus fortes que nos tristesses, ou que nos désespoirs d’aujourd’hui. Il vient nous dire que le mal et la mort ne pourront plus avoir le dernier mot.
Le mal : un mot terrible et un immense mystère qui est bien difficile à expliquer. Oui, on ne peut pas dire pourquoi il y a tant de sang, tant de tragédies, tant de malheurs dans notre monde. Le seul péché des hommes d’aujourd’hui ne suffit pas à tout expliquer.
Or, Jésus n’a jamais été un grand théoricien. Il n’a jamais dit « Je vais vous expliquer la raison du mal, je vais vous faire une belle théorie sur le mal ».
Non, ce sont les hommes qui ont essayé de réfléchir, de donner des explications. Bien sûr, il faut chercher, il faut réfléchir. La foi n’exclut pas, certainement pas, l’exercice de l’intelligence et la réflexion. Et la théologie peut nous aider à progresser sur le chemin qui mène aux grands mystères de la foi.
Mais Jésus a fait autre chose, bien autre chose que de nous expliquer pourquoi le mal existe. Il est venu à nos côtés pour nous aider à lutter contre le mal. Il est venu nous dire : « le mal ne s’explique pas, il faut se battre contre lui, et je suis avec vous dans ce combat. Avec vous pour guérir vos craintes, et vos angoisses, consoler vos peines. Pour vous insuffler un courage dont vous vous sentez incapables. Avec vous pour vous aider à voir le bien au-delà du mal. Avec vous pour être comme une porte toujours ouverte, même au cœur des situations qu’on pourrait croire sans issue ou désespérées. Avec vous pour donner un sens à l’espérance, pour vous dire et redire l’amour de Dieu. Et pour partager aussi, bien sûr, vos joies, les plus grands bonheurs comme les joies simples et vraies d’un jour de fête partagé avec ceux que l’on aime ».
C’est pourquoi, au regard de ce qui vient d’être dit, il semble bien que cette fête des Rameaux soit un peu une fête « en suspends ». À Noël, à Pâques, à l’Ascension, à la Pentecôte, on sait clairement l’événement que l’on célèbre et que l’on présentifie (que l’on rend présent). Aux Rameaux, on ne le sait pas vraiment puisque c’est une fête de malentendu, une fête qui ne recevra vraiment son sens que pendant la semaine à venir, où nous revivrons ensemble la Passion, la mort, la résurrection de notre Seigneur.
Mais pour être une fête en suspends, ce dimanche des rameaux n’en est pas moins une fête très profonde. Nous sommes tous ici dans notre grande majorité des chrétiens baptisés ou des cherchants qui déjà ont fait entrer Jésus dans leur vie. Oui, nous avons déjà accueilli dans nos vies ce Jésus ; nous l’avons accueilli avec des cris de joie, hosanna. Mais l’important voyez-vous, ce n’est pas tant d’accueillir Jésus comme l’a fait le peuple de Jérusalem. L’important c’est de lui rester fidèle, ce que n’a justement pas fait ce même peuple de Jérusalem ; c’est de continuer à le porter dans notre cœur. C’est de continuer à le regarder comme notre frère et comme notre maître, un maître dont le joug est léger comme il le dit lui-même.
C’est aussi et surtout continuer à le faire vivre au plus profond de nous, pour réformer notre vie, pour nous aider sur le chemin qui mène au Père, pour nous inspirer afin d’être, nous aussi, des bâtisseurs.
Des bâtisseurs du royaume.
Ainsi, cette fête des Rameaux nous redit que le Christ est au milieu de nous comme il était au milieu de la foule venue l’accueillir à Jérusalem. Il sera avec nous tout à l’heure au moment du partage de la Sainte Cène.
Cette entrée de Dieu dans notre vie c’est peut-être un peu ce que nous présente et re-présente cette fête des Rameaux.
Dieu est là, parmi nous, par son fils. Et nous aussi, accueillons ce fils avec des cris de joie.
Hosanna ! Hosanna !
Amen.