A l’occasion du Culte du souvenir, par le pasteur Etienne WAECHTER, aumônier en chef de l’Aumônerie protestante aux Armées, le 10 novembre 2019.
LECTURES BIBLIQUES : Daniel 3 v 1-30 ; 2 Thessaloniciens 2 v 16 à 3 v 5 et Luc 20 v 27-38
En ouvrant la Bible sur les textes inscrits pour ce dimanche dans le calendrier liturgique des églises – et vous-mêmes peut-être en écoutant leur lecture à l’instant – c’était d’abord la surprise pour ce choix de textes et les liens qui peuvent exister entre eux.
Mais en les méditant, j’ai été frappé par leur pertinence dans le sens qu’ils ont à nous dire aujourd’hui une parole qui rejoint le contexte pluriculturel et pluri religieux dans lequel nous vivons.
Voyons déjà ensemble quelques aspects marquants du texte biblique.
1. Commençons avec ces paroles que l’apôtre Paul adresse aux chrétiens de Thessalonique et qui renseignent sur les difficultés rencontrées par ces chrétiens.
Il dit en effet (au chap 2 v 16) que Dieu a donné un encouragement et une espérance solide. Paul, avec ses collaborateurs, prie pour ces chrétiens et demande que leurs cœurs soient remplis de courage.
Nous percevons ici quelques éléments sur leur situation difficile…
Puis au chap 3 v 2 et 3, il demande encore dans sa prière qu’ils soient libérés des gens mauvais et méchants mais aussi qu’ils soient rendus forts et qu’ils soient protégés.
A nouveau, nous avons le sentiment que la vie de ces chrétiens n’étaient vraiment pas simple.
Etait-ce parce qu’ils se comportaient mal ?
Je ne le crois pas puisque l’apôtre Paul souligne plutôt (au verset suivant, v 4) leurs bonnes dispositions à écouter, à suivre les conseils et à rester fidèles dans leur vie de chrétiens.
Et je suis interpellé par leur engagement et leur persévérance, quoi qu’il en coûte.
2. Maintenant, le long texte que nous avons lu dans le livre de Daniel, bien que répondant d’un contexte très différent, montre aussi une situation délicate.
En effet, les 3 jeunes hommes dont il est question, Chadrac, Mechak et Abed-Nego sont d’origine juive et ont été fait prisonniers par les armées de Nabucodonosor, roi de Babylone venu attaquer Jérusalem au 6ème s. avant JC.
Voici ce que le roi avait ordonné à Achepénaz, son chef du personnel : « Parmi les Israélites, choisis quelques garçons de la famille du roi ou de familles nobles. Ces jeunes gens ne doivent avoir aucun défaut physique. Ils doivent être beaux, remplis de sagesse, instruits et intelligents. Ainsi, ils pourront entrer à mon service dans mon palais. Ils apprendront l’écriture et la langue des Babyloniens. … Leur instruction durera trois ans. Ensuite, ils entreront à mon service. »
Parmi les jeunes hommes choisis, il y avait donc 4 compagnons : Daniel, Hanania, Michaël et Azaria, issus de la tribu de Juda qui porteront dorénavant de nouveaux noms, s’appelant respectivement Beltassar, Chadrac, Méchak, et Abed–Négo.
Bien intégrés et positionnés à des postes importants (certainement ministres ou, en tout cas, hauts fonctionnaires), les choses se compliquent pour eux quand ils refusent d’obéir à un ordre fou qui ne peut être suivi en raison de leur foi en Dieu, le Dieu éternel nommé à maintes reprise et en particulier dans le texte de l’Evangile selon Luc que nous avons aussi lu comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
Il aurait été bien moins risqué pour ces 3 hommes de faire comme tout le monde mais seuls contre tous, ils refusent de s’incliner devant la grande statue dorée érigée par le roi, et cela par fidélité à leur Dieu.
Et questionnés par le roi Nabuchodonosor après dénonciation par quelques babyloniens, ils montrent leur détermination, exprimant ainsi avec force leur consécration et affirmant leur confiance totale en Dieu.
3. Le constat que je ferais donc ce matin est le suivant : au gré des situations, au cœur de l’histoire humaine, des catégories de personnes différentes se côtoient et cohabitent de façon plus ou moins paisibles.
Et nous pourrions ici continuer l’exercice et recenser de nombreuses autres situations où cela se vérifie.
En raison de positions très diverses, dans des domaines très différents, en raison de pratiques et de convictions religieuses très différentes, des hommes et des groupes s’opposent et cela depuis des siècles !!!
Ainsi, les tensions que nous observons parfois aujourd’hui, peuvent et doivent nous interpeller.
Alors que nous commémorons l’armistice de la 1ère guerre mondiale, nous voilà confrontés à cette triste réalité et chaque fois que nous le faisons, nous reconnaissons que cela doit cesser.
Mais nous constatons aussi l’enfer de ces violences permanentes qui nous dérangent ! Finalement, rien de nouveau sous le soleil, ainsi est l’être humain !
Et ce qui se passe n’est pas lointain car cela nous touche, parfois de près. Et l’histoire de notre pays, hélas de nos pays est marqué du sang de tous ceux qui ont combattu pour la liberté que nous connaissons aujourd’hui.
Mais cette situation est fragile et il faut toujours à nouveau tirer leçon de notre histoire pour refuser de retomber dans des combats inutiles.
La statue érigée par le roi Nabuchodonosor rejoint évidement l’orgueil démesuré des grands d’aujourd’hui. Au nom de la religion, ou bien colorées de pouvoir politique, actions et prétentions régulent trop souvent notre société actuelle en exigeant obéissance et abandon total.
Je parlais en début de prédication de pertinence alors que j’évoquais les textes de ce jour.
En ce sens, le livre de Daniel invite à résister à tout ce qui pourrait prendre la place de Dieu, même si cela n’est pas facile. Et aujourd’hui, nombreux sont les hommes et les femmes qui vivent des situations terribles, payant parfois de leur vie, leur fidélité à Dieu.
La liberté de culte n’existe pas dans tous les pays du monde et nous pourrions ainsi lister de telles situations qui existent sur tous les continents, dans des pays où sévissent des régimes aussi féroces que celui de Nabucodonosor.
Mais plus largement, que se passerait-il si, dans notre pays, s’installait un régime qui nous interdirait d’être chrétiens ou de vivre notre foi ? Aurions-nous la force de lui résister ?
Nous pouvons nous croire à l’abri pour le moment mais les faits sont là pour montrer l’équilibre instable dans lequel nous nous trouvons et ainsi retenir notre attention !
Je ne citerai qu’un exemple du moment : vous constatez certainement un nombre important de conférences, de colloques ou de dossiers sur la question de laïcité …je suis moi-même régulièrement sollicité sur cette question tout comme les aumôniers aux armées. Et je constate combien certains sont déterminés à remettre en cause ce principe extraordinaire de liberté et de respect en matière de fait religieux alors même que les lois permettent d’en réguler la pratique.
Mais il faut résister, nous tous, selon le lieu d’exercice de nos fonctions et de nos engagements et ensemble préserver ce qui permet ce bien vivre ensemble.
Je le redis, persévérer dans la foi, c’est ce que Paul demande à Dieu pour les chrétiens de Thessalonique. Ils ont reçu l’Evangile, ils se sont convertis. Mais ils vivent dans un monde qui refuse Dieu. C’est là aussi ce à quoi nous pouvons être exposés aujourd’hui. Le monde qui nous entoure voudrait nous influencer par de mauvais exemples et des exemples d’absence de foi ou de foi déviée.
L’exhortation de Paul reste donc valable pour nous. Paul nous invite à maintenir coûte que coûte la foi en ce Dieu à qui tout est possible.
Nous avons lu comment il a préservé et protégé ces 3 jeunes hommes jetés dans la fournaise. Le roi Nabucodonosor, lui-même a reconnu la puissance de Dieu et modifie sa position par un ordre qui concerne les gens de tous les peuples, de tous les pays et parlant toutes les langues. Et cela se termine avec cette déclaration : « aucun autre dieu ne peut sauver de cette façon ».
Au-delà des considérations humaines, notre regard s’élargit et saisit la vie que le Dieu unique et éternel offre à tous.
Et ce qu’il a fait par le passé, il le fait encore aujourd’hui.
Nous pouvons l’affirmer et en être témoins.
Il est le Dieu des vivants, il est présent à nos côtés et il veut nous encourager et nous fortifier pour mieux le servir !
Amen.