Il y a 80 ans, Dietrich Bonhoeffer…

16/04/2025
23h59
Hommage à l'homme qui, au nom de sa foi, se dressa contre l'idéologie nazie et voulut alerter le monde

Le 9 avril 1945, le pasteur et théologien luthérien, opposant résolu au nazisme, était assassiné

 

Le 9 avril 1945, alors que les troupes américaines approchaient du camp de concentration nazi de Flossenburg, près de la frontière tchèque, Dietrich Bonhoeffer était exécuté sur l’ordre personnel d’Adolf Hitler. La guerre était perdue pour l’Allemagne nazie, le dictateur songeait lui-même à mettre fin à ses jours (ce qu’il fit trois semaines plus tard), mais sa haine à l’égard du pasteur et théologien luthérien était implacable et il voulait que cet opposant indomptable mourût avant lui : il ordonna que son prisonnier fût pendu.

 

En ce 80ème anniversaire de la mort de Dietrich Bonhoeffer, disparu à l’âge de 39 ans, nous nous souvenons de son martyr, de son combat contre l’idéologie nazie. Son crime aux yeux du régime : avoir appelé publiquement à la défaite de l’Allemagne hitlérienne et avoir dénoncé les compromissions de l’Eglise protestante allemande officielle avec ce régime au projet mortifère profondément contraire au christianisme.

 

Bonhoeffer rejoignit l’Eglise confessante en 1935. Cette Eglise dissidente de l’Eglise officielle, fondée par la confession de foi de Barmen (1934), faisait campagne contre la direction de l’Eglise officielle et les « Deutsche Christen », ces « chrétiens allemands » qui pensaient pouvoir concilier la Bible et le projet nazi antisémite. L’Eglise confessante dénonçait la séduction nazie d’un chef providentiel qui ne gouvernait plus pour le bien, comme le font, selon l’apôtre Paul, les autorités politiques instituées par Dieu, mais qui agissait pour le mal. L’Eglise confessante cherchait ainsi à porter la voix authentique de l’Evangile dans la société allemande. Elle fonda son propre séminaire, à Finkenwald en Poméranie. Dietrich Bonhoeffer en prit la direction en 1935. Il y faisait prier pour la défaite militaire de son propre pays. Pour lui, être disciple de Jésus-Christ exigeait de s’engager dans la résistance politique au totalitarisme nazi.

 

Dès l’adoption des premières lois anti-juives, Dietrich Bonhoeffer a tenté de convaincre les luthériens allemands de dénoncer les persécutions et l’expulsion des « non aryens » de l’Eglise et du pays. En vain. L’écrasante majorité est restée silencieuse. A partir de 1939, il prit activement part à la résistance chrétienne contre le régime nazi. Nombre de ses relations furent impliquées dans la tentative de soulèvement militaire du 20 juillet 1944, l’opération Walkyrie.

 

Né en 1906 à Breslau en Silésie (l’actuelle ville polonaise de Wroclaw), Dietrich Bonhoeffer a étudié la théologie aux universités de Tübingen et Berlin. Il a été grandement influencé par le théologien suisse Karl Barth. A 18 ans, lors d’un voyage à Rome, il fut profondément touché par la liturgie de l’Eglise catholique. Après avoir servi comme pasteur associé de la paroisse allemande de Barcelone en Espagne (1928-1929), Dietrich Bonhoeffer étudia une année à l’Union Theological College de New York avant de rentrer à Berlin en 1931 pour y enseigner la théologie. A la suite de l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, interdit d’enseignement et de publication, la Gestapo menaça de le poursuivre pour haute trahison. Il quitta l’Allemagne pour Londres où il passa deux années (1933-1935) comme pasteur de la paroisse allemande. Il devint alors un ami proche de l’évêque anglican de Chichester, George Bell, personnalité engagée dans le dialogue œcuménique.

 

Bonhoeffer rentra dans son pays en 1935 pour prendre la direction du séminaire de l’Eglise confessante à Finkenwald, aujourd’hui en Pologne. Il entretint ses contacts avec l’étranger, au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Suisse et aux Etats-Unis. Il correspondit tout au long de ces années avec son ami George Bell via la Suisse et la Suède. Il entretint des contacts nourris avec les milieux œcuméniques étrangers, voyageant à l’étranger sous la couverture des services de contre-espionnage de l’amiral Canaris. Par l’intermédiaire de George Bell, il transmit aux gouvernements alliés des rapports sur l’extermination des juifs par les nazis et tenta, en vain, de mettre en relation les résistants allemands à Hitler avec le gouvernement britannique.

 

Arrêté en avril 1943, Dietrich Bonhoeffer choisit la vie jusque dans la mort qu’il vit venir avec courage. Chaque jour, en prison et comme il l’avait pratiqué depuis sa jeunesse, il pria, lut et médita la Bible. Ses lettres et écrits de prison, rassemblés dans le volume posthume Résistance et soumission, interrogent la solitude, la souffrance et la « personne collective » du Christ dans lequel nous sommes liés par une commune espérance. Bonhoeffer a questionné le devenir du christianisme dans le monde moderne. Il a appelé les chrétiens à s’engager pleinement dans le monde, à vivre par la grâce de Dieu et non dans l’idéologie. Il a développé une théologie originale de l’Eglise, redécouvrant au contact de ses amis catholiques romains et anglicans la richesse de la liturgie comme ciment de l’Eglise et levain pour la foi. Dans le sillage de l’archevêque d’Uppsala, le suédois Nathan Söderblom, Dietrich Bonhoeffer fut un pionnier de l’œcuménisme et un redécouvreur de l’importance de la liturgie pour le culte luthérien.

 

Depuis 1998, aux côtés d’Oscar Romero et d’Esther John, Dietrich Bonhoeffer est honoré à Londres par une statue installée au-dessus du portail Ouest de l’abbaye de Westminster, parmi neuf autres martyrs chrétiens du XXème siècle. Il est commémoré le 9 avril dans les calendriers de commémoration des saints et martyrs de nombre d’Eglises luthériennes et anglicanes à travers le monde.

 

En ce jour, honorons la mémoire de Dietrich Bonhoeffer et, avec lui, le souvenir de ces hommes et femmes de foi qui ont eu le courage, au risque de leur vie, de se soulever contre la barbarie.

 

« S’il nous appartient de vider la coupe du chagrin jusqu’à la lie de la douleur sur ton ordre, nous ne faiblirons pas, recevant avec gratitude tout ce qui est donné par ta main aimante. » (D. Bonhoeffer, 1er janvier 1945)

 

Pour découvrir Dietrich Bonhoeffer :
Dietrich Bonhoeffer 1906-1945, Ferdinand Schlingensiepen, éd. Salvator
Vivre en disciple : le prix de la grâce, D. Bonhoeffer, éd. Labor et Fides
La Nature de l’Eglise, D. Bonhoeffer, éd. Labor et Fides