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Je revendique le droit au blasphème
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Devant le retour dans certains médias, suite à la reparution par Charlie Hebdo de ses caricatures du Prophète, de débats autour de la notion de blasphème, je ne résiste pas à partager avec vous ce que j’écrivais alors…
Il y a quelques jours, je lisais dans un journal protestant bien connu que « depuis 1984, les procès intentés pour injure envers une religion se sont multiplies en France ».
Et face à l’actualité récente, j’entends certains qui me confient : « Quand même, on ne peut pas tout dire ! il faut respecter la croyance de l’autre ». Oui, certes, mais si c’est au prix de l’interdiction de toute critique, de toute liberté de parole, alors non ! Résolument non !
Pour ce qui relève des propos, donc des idées, des convictions, alors je me rallie sans hésitation aucune à Castellion qui se dressait contre Calvin qui venait d’accepter que Servet soit condamné au bucher pour cause d’hérésie…! « Qu’on accorde à tous la liberté de parler et d’écrire ; on verra très vite quelle est la puissance de la vérité lorsqu’elle est libérée » (Castellion publie un ouvrage Contre le libelle de Calvin dont l’impression n’aura lieu en Hollande qu’en 1612 ) ».
Nos lois, qui condamnent l’incitation à la haine raciale, me semblent amplement suffisantes et la seule limite acceptable. Car sinon, autant de coups de boutoir contre des libertés chèrement acquises depuis Voltaire.
Voulons-nous revenir un jour, sous prétexte de respect et de politiquement correct, au sort réservé au chevalier de la Barre* ? Ne peut-on plus se moquer d’un système de pensée ? Dire son désaccord contre telle opinion érigée en principe absolu ? Faudra-t-il interdire à nouveau Candide ?
Pire : aurions-nous la mémoire si courte ? Celui que nous reconnaissons comme Seigneur et Maître, celui-là même n’a-t-il pas été accusé lui aussi de blasphème ? N’est-ce pas la principale raison invoquée pour sa comparution devant Pilate ? (Matth 26, 65, Marc 14, 64 )
Allons, ne mélangeons pas tout : chaque enfant battu, chaque femme violentée, chaque homme torturé, voilà ce qui blesse Dieu, bien davantage que quelques incantations verbales et irrespectueuses. Souvent goûts immodérés pour la provocation, parfois franches stupidités, voilà ce que nous appelons blasphème : faudra-t-il aussi faire une loi contre la bêtise ? »
JF Breyne. 2015.
*Le chevalier de La Barre et deux « complices » sont accusé d’avoir chanté deux chansons libertines irrespectueuses à l’égard de la religion et d’être passés devant une procession en juillet 1765 sans enlever leur couvre-chef. Pire, les trois hommes, par défi, refusent de s’agenouiller lors du passage de cette même procession. Le chevalier de La Barre est donc condamné… à mort ! Cette sentence pour blasphème est exécutée le 1er juillet 1766 à Abbeville par cinq bourreaux spécialement envoyés de Paris ; « Je ne croyais pas qu’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose » auraient été ses dernières paroles.