Sous l’onglet « Prédications », vous trouverez celle du pasteur JF Breyne sur Jean 14 :
Le chemin, la vérité et la vie.
Et pour ceux qui souhaiteraient relire la prédication de la pasteure Corinne Lanoir sur Jonas :
Jonas, une parole qui déconfine…
Chers frères et sœurs, nous venons de lire le début de cette histoire de Jonas, qu’en général on réserve aux enfants de l’école biblique. Ce « petit » prophète face à une « grande » tempête, englouti dans un « grand » poisson, qui doit affronter le roi de la « grande » ville de Ninive (un roi qui veut que même les animaux du royaume prennent le deuil !) , qui se fâche d’une « grande » colère parce que Ninive n’est pas détruite, qui se met à l’écart dans une petite cabane, se réjouit d’une grande plante qui lui fait de l’ombre puis demande à mourir parce que Dieu lui envoie un petit ver qui fait sécher la plante…tout cela n’a pas l’air bien sérieux !
Et pourtant cette histoire mérite qu’on s’y arrête un peu plus et qu’on y voie davantage qu’un joyeux divertissement assorti d’une petite morale où Dieu punit le désobéissant.
Il y a beaucoup d’ironie dans cette histoire, oui, mais c’est une ironie qui appelle celui/celle qui lit à se poser de belles et grandes questions.
Alors allons voir d’un peu plus près le début de ces aventures de Jonas au chapitre 1.
D’abord Jonas est saisi par une parole. « La parole du SEIGNEUR parvint à Jonas, fils d’Amittaï : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais une proclamation contre elle ». C’est tellement soudain et total que ça ne laisse pas de place pour nous dire qui il est, où il habite.
On nous dit juste qu’il est « Jonas fils d’Amittaï ». C’est peu, mais c’est déjà quelque chose: en hébreu Jonas, ça veut dire la colombe. Nous quand on pense colombe, on pense colombe de la paix, on voit la colombe avec son rameau d’olivier sans le bec, envoyée par Noé depuis l’arche pour voir s’il y a une terre sèche quelque part à la fin du déluge. Et l’auteur de Jonas veut certainement nous y faire penser, lui qui met son Jonas colombe dans un bateau voguant sur les flots…D’ailleurs c’est une technique qu’il utilisera beaucoup dans ce texte ; il y a plein de références à d’autres histoires de l’Ancien Testament dans le récit de Jonas. Il y a des mots de l’histoire de la création de Gn 1, là ou on sépare l’eau et la terre sèche, des mots de l’histoire de Caïn qui lui aussi veut « échapper au Seigneur », des mots de l’Exode et de la traversée de la mer par les hébreux, des mots du prophète Elie qui lui aussi demande la mort quand il entre en conflit avec son dieu, des mots des prophètes Jérémie, Ezéchiel et Nahum qui lui se réjouit de voir Ninive détruite, des mots des Psaumes. On reprend même ce nom de Jonas fils Amittaï qui apparaît dans le livre des Rois (2R14,25) ; c’était le nom d’un prophète qu’on mentionne vers 780 avt JC, donc presque 500 ans avant « notre » Jonas et qui dans le royaume d’Israël a annoncé qu’Israël allait récupérer un territoire qu’à l’époque les Araméens avaient conquis ; un prophète plutôt nationaliste donc.
C’est bien toute l’histoire, la mémoire culturelle, spirituelle, liturgique de cette communauté qui est convoquée dans ce récit de Jonas la colombe, un récit tardif qui peut donc recueillir toutes ces traditions, relire toute cette histoire et proposer quelque chose de neuf.
Ce Jonas colombe fait donc penser à Noé mais on trouve aussi dans des écrits prophétiques, chez Osée par exemple une vision moins positive de la colombe qu’on décrit comme un oiseau naïf, sans intelligence et toujours hésitant entre plusieurs chemins à suivre. Il y a donc plusieurs façons de considérer cette colombe…
Mais ce drôle d’oiseau, il est « fils d’Amittaï », et en hébreu cela signifie quelque chose comme « fils de vérité », ou fils de l’authentique…Quelle est cette vérité de Jonas ? La suite du chapitre va nous aider à le comprendre.
Donc, une parole met en route notre Jonas colombe fils de vérité: « lève-toi, va et crie « . Et Jonas se lève parce qu’il sait qui lui parle, il l’a bien reconnu ce dieu vers qui tout arrive, tout monte, même la méchanceté des Ninivites. mais il se lève pour fuir et ne pas crier. Lui qui doit aller complètement à l’Est, à Ninive, il va aller complètement à l’ouest, vers Tarsis. Mais ce moment-là, ce voyage vers l’ouest qui occupe tout ce premier chapitre n’est pas un faux-départ, une parenthèse, c’est le début du parcours prophétique de Jonas.
Alors, ce parcours de Jonas, secoué par cette parole, c’est, dans ce chapitre 1, une immense descente . Jonas , parti d’on ne sait où, de là ou il est, de n’importe où, descend. Il descend au port de Jaffa, il descend dans un bateau, il descend au fond du bateau, il descend dans un sommeil de plomb (c’est le même sommeil que celui d’Adam quand Dieu l’opère au côté pour lui donner une compagne…) c’est un sommeil de l’ordre du coma, ou de la transe .
Et puis il se fait réveiller de ce sommeil par le capitaine, l’autorité du bateau, qui reprend la parole prophétique pour à nouveau lui dire « lève-toi’ ! Il est remis sur pied par l’interrogatoire des marins qui lui demandent de dire qui il est, quelle est sa lignée, son histoire, quelle est sa vérité et il le leur dit : « Je suis hébreu », c’est-à-dire je suis celui qui traverse (c’est le sens du mot « hébreu »), comme ceux de l’exode qui deviennent des « hébreux » en traversant la mer, et mon dieu est le dieu créateur. Une fois cela dit, il va plonger dans l’eau et il descendra encore au fond de la mer dans le ventre d’un poisson. On ne peut pas descendre plus bas, il a atteint le fond et à partir de là, il remontera.
Donc Jonas fils d’Amittaï devient Jonas colombe/messager ou voyageur hésitant puis Jonas l’endormi, puis Jonas l’hébreu traversant puis Jonas le prophète, un peu démissionnaire mais prophète quand même, celui à qui les marins demandent ce qu’il faut faire et qui dit l’oracle, puis Jonas englouti avant d’être vomi.
Il découvre qu’il n’est pas maître de la vie et de la mort, ni de la sienne ni de celle des autres.
Et c’est à travers ce parcours raconté qu’on lit des choses tout à fait intéressantes sur cette parole qui pousse Jonas à faire le prophète, même dans la tempête, et sur les effets de cette parole.
– D’abord c’est une parole qui arrive dans tous les confinements. Parce que Jonas est un peu un adepte du confinement. il cherche à plusieurs reprises à se trouver un lieu fermé, à l’écart de sa vie, où il n’aurait pas à parler : un bateau étranger, un fond de bateau, un gros sommeil, le fond de la mer, un poisson (celui-là il lui sera fourni clé en mains), une cabane sur la colline. Mais à chaque fois, la parole perce les parois de sa bulle et l’atteint là où il est. Il n’y a pas de confinement qui ne soit atteignable par cette parole du dieu créateur. C’est peut-être une bonne nouvelle pour nous aussi !
– Cette parole va aussi changer sa façon de considérer l’espace, le monde où il vit. On ne sait pas trop d’où il vient Jonas, mais il vient du monde hébreu. Et dans ce monde-là, il n’y a pas de place pour la mer. La mer c’est dangereux et c’est pour les grecs ou les phéniciens, comme les marins du bateau ! En s’embarquant sur ce bateau il change de monde, il quitte sa logique, il quitte ce qui dans sa logique est le centre de son monde et le centre du monde pour aller aux limites extrêmes. Mais il va découvrir au fil des chapitres que le monde n’est pas fait avec un centre et des périphéries mais que ce dieu, qu’il se garderait bien pour son monde à lui est un dieu pour tous, partout et en tout temps, un dieu universel donc, et ça l’oblige à revoir sa carte du monde et à percevoir de nouvelles solidarités possibles entre tous ceux qui l’habitent. Ça aussi, pour nous qui réfléchissons au monde d’après, ça peut nous intéresser !
– et du coup, cette parole dont le terrain de jeu est le mond entier, elle arrive à plusieurs reprises par d’autres. C’est le capitaine des marins phéniciens qui lui dit « lève-toi », ce sont ces mêmes marins qui le remettent sur pied comme prophète, ce sont les Ninivites qui seront ultra réceptifs à sa prédication la plus brève du monde…
Il s’agit donc de discerner au coup par coup par où elle vient cette parole et ce n’est pas une tâche aisée, pas plus aujourd’hui qu’hier. Mais essayons au moins d’être à l’écoute.
– Cette parole, elle donne du sens à ce qui nous arrive, toutes ces péripéties de notre vie et de notre monde. Elle nous permet, comme dans le récit de Jonas de transformer ce qui nous arrive en un itinéraire, un parcours, une histoire. Oh, ce n’est pas un plan de carrière qui file tout droit, ça peut être un itinéraire très cabossé, comme celui de Jonas mais c’est un itinéraire orienté, quelque soit la direction changeante du vent qui nous pousse.
-Et puis cette parole, elle nous laisse le dernier mot, au moins pour cet épisode. Parce que le livre de Jonas finit par une question de Dieu sur Dieu.
La réponse n’est pas écrite, elle revient à celui/celle qui se laisse embarquer dans l’histoire.
Alors, allons-y !
Amen